Un devoir de lire



"Les livres géniaux n'intéressent personne. Hegel n'intéresse personne; il n'intéresse que ceux à qui il fait faire de l'argent, que ceux qui vivent de thèses et d'études. C'est un tour de force que d'avoir lu Hegel, Kierkegaard ou Racine. Il n'y a pas de femmes qui se déshabillent dans Hegel, dans Racine. Donc, quel intérêt? [...] Il y en a qui lisent parce que, pour eux, c'est un devoir, un de ces devoirs comme en font les enfants d'école. Ceux-là, s'ils ne lisaient pas, ils auraient peur, un de ces peurs comme en ont les enfants d'école qui n'ont pas fait leurs devoirs. On a si souvent associé la littérature avec beau, beau avec grandeur et grandeur avec devoir..."

Comme Mille Milles dans Le nez qui voque, "je n'aime plus cela, lire."

Parce que la lecture est devenue un devoir. Ça me fait penser à tous ces enseignants qui essaient de transmettre le "plaisir de lire". Cette affiche sur le mur de notre maigre bibliothèque d'école. C'était un crayon qui avait le sourire fendu jusqu'à l'efface. Et puis, il y avait les "J'aime lire". Quand un de nous ne savait que lire, il allait demander conseil au prof, debout à surveiller qu'on lise bien en silence. Je me souviens que le prof ne lisait jamais quand nous allions à la bibli. On demandait: "je sais pas quoi lire." Immanquablement, c'était : "Prends donc un j'aime lire!" avec le même sourire bête que le crayon.
Tout pointait en ce sens : l'amour de la lecture. Le problème c'est qu'on nous l'a présentée, la lecture, comme un devoir fantastique.
Et puis, la peur de ceux pour qui la lecture est un devoir, cette peur qui les tenaille les fait se sentir coupables de ne pas avoir assez lu, de ne pas avoir tout lu, c'est cette même peur que l'on nous a transmis à l'école. Je viens de m'en rendre compte.

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