à l'article de la mort


À l'article de la mort, je ne sais pas comment on fait pour écrire.

Je n'en aurais pas la force.

Écrire sur son lit de mort?
Est-ce qu'un chanteur chante sur son lit de mort?

Hervé Guibert a pourtant écrit. Son journal d'hospitalisation en est la preuve.

Ce doit être ça, le chant du cygne.

Comme un virus



Guibert, encore. Cytomégalovirus à petites doses :


"La lune passe lentement d'une fenêtre à l'autre.
Une zone entre les deux où elle devient invisible."

De la poésie d'hôpital.

Je ne pensais jamais dire ça, mais c'est de la poésie malade.

Le refus du dialogue

Joyeux Noël...

En Colombie, un gouverneur a été égorgé par les Farc, les mêmes qui avaient détenu Ingrid Bétancourt. La situation est au point mort en Colombie. Aucun avancement, pas même de dialogue :
Le chef d'État, "M. Uribe, avait renouvelé, le 11 décembre, son refus d'entamer un dialogue avec les Farc, fondées en 1964, et comptant de 6.000 à 10.000 combattants, selon les estimations.

Vrai qu'on ne négocie pas avec des tueurs, mais vrai aussi qu'on ne règle rien en refusant le dialogue.

Cette situation complexe, encore restreinte à la Colombie, pourrait déraper en une guerre qui impliquerait plusieurs pays en Amérique latine.


Bélanger, Nous




"Ooouuuh, mais ce n'est jamais facile. Ouuuuhhh, mais ce n'est jamais facile"

L'entendre chanter ça 60 fois, ça aliène n'importe qui pour une journée. Incapable de m'enlever ça de la tête.

Sa toune bonbon est gelée là, prise dans la glace. Elle est dans ma tête, boguée, sur repeat.

Écoutez son dernier cd, "Nous". Je vous prie de lire cette critique dégoulinante de mauvais goût. Des fois, la critique est tellement mielleuse qu'elle nous colle des idées préconçues à propos d'un artiste. À force de lire que Bélanger était un chanteur à textes, j'avais fini par le croire. Erreur monumentale.
Les textes? Ils sont à faire des boules de papier avec. Je vous épargne des détails, mais non tiens, puisque ça me fait plaisir... prenez juste les titres :

1- Reste
2-Facile
3- Qui ne suis-je?
4- Si l'amour te ressemblait*
5- Jamais loin
6- Le toit du monde*
7- Céleste
9- Impossible
10- J'aime ton soleil (!)*
11- Roule
12- Mieux vaut voler
13- Tu peux partir

* Mes titres préférés

Si je le revois, mon Dan, à la une du journal avec 7 trophées dans les mains et que la critique le porte une fois de plus en triomphe, je jure me rappeler de la sale journée qu'il m'a fait passer. Bélanger?
Fait partie de ceux dont on devrait se débarrasser à coups de pelle.

Mon beau sapin



Mon beau sapin, c'est lui.
OK, pour certains il peut avoir l'air d'un tas de ferrailles, mais vous ne pouvez pas comprendre, c'est de l'art.

Ce sapin, c'est celui du Café souvenir.
Il est fait avec de vieilles roues de bécyk. Je ne l'aime pas parce qu'il est écologique, je l'aime parce qu'il est beau.

Si c'est pas ça réinventer la roue...


La maladie des hôpitaux



L'hôpital Charles-Lemoyne de Longueuil était aux prises avec une épidémie de la bactérie C. difficile. Un nom de bactérie très ducharmien.


Hervé Guibert, dans Cytomégalovirus, le rejoint lorsqu'il écrit :

"D. disait toujours que M., qui devait de toute façon mourir, était mort beaucoup plus brutalement parce qu'on l'avait hospitalisé, pour faire place nette dans le couloir, dans une chambre qui n'avait pas été désinfectée. La maladie des hôpitaux."

Je crois que tout le monde devrait lire Cytomégalovirus.

"Ce journal retrace trois semaines de la vie du romancier Hervé Guibert, atteint du sida, lors de son hospitalisation. Quand il débute ce récit, il vient d'apprendre qu'il risque de perdre la vue..."


Aucune raison de ne pas le lire. 3 semaines de vie racontées. Prend pas 3 heures à lire. Une plaquette : persuadé que boire 3 bières serait plus long.





douleur et langage

Sur l'impossibilité d'exprimer la douleur,
lu in A Philosophy of Pain by Arne Johan Vetlesen :

"pain resists language, .. since it is unsuitable for the kind of objectivization on which language depends. Absolute or total pain involves the annihilation of language; from a political perspective, the targeted infliction of pain on particular victims is a method of annihilating their language, their language as gheir specific cultural way of being. In the world, of having, talking about and interpreting a world (world for Scarry). So pain, as the pain in the person who experiences it, is "inexpressible". It is significant that we, as we fumble in our atemps to find words for pain, use phrases like "it is as if..." or it feels now as if..." without ever precisely being able to grasp this thing that pain is similar to. We have an urge to make something that can be communicated and shared out of what above everything else in our lives is originally internal and not capable of being shared."

la douleur est douleur des douleurs (Jacques Brault)

Louis-Ferdinand

« Le rire de Céline servira encore contre beaucoup de faiseurs. Il est là, chœur syncopé, sur le devant de la scène : rien de ce qui s’agite, affirme, s’arrête, ne lui échappe. Aucune maladie. Aucune excroissance. Prose antibiotique, qui défend, comme les dragons des contes, l’entrée de la poésie. » (Philippe Sollers, Théorie des Exceptions, Gallimard, Folio Essais, 1985, p 112-114.)

Comment écrire?



Theodor Adorno, dans un fragment de Minima moralia, aborde la question du style. Comment donc écrire? La question du style se pose, inévitablement, pour quiconque se met à écrire. Nous sommes souvent, moi le premier, tentés par la familiarité afin de bien se faire entendre, une proximité avec le lecteur que redoute Adorno.
"La rigueur et la pureté d'une écriture même extrêmement simple créent bien plus une impression de vide. La négligence qui entraîne à se laisser porter par le courant familier du langage passe pour le signe de la pertinence et du contact: on sait ce que l'on veut parce que l'on sait ce que veulent les autres. Considérer l'objet plutôt que la communication au moment où l'on s'exprime, éveille la suspicion: tout ce qui est spécifique, non emprunté à des schémas préexistants, paraît inconsidéré, symptôme d'excentricité, voire de confusion. La logique actuelle si fière de sa clarté a adopté naïvement cette notion pervertie du langage quotidien. Une expression vague permet à celui qui l'entend d'imaginer à peu près ce qui lui convient et ce que, de toute façon, il pense déjà. L'expression rigoureuse impose une compréhension sans équivoque, un effort conceptuel dont les hommes ont délibérément perdu l'habitude, et attend d'eux que, devant tout contenu, ils suspendent toutes les opinions reçues et, par conséquent, s'isolent, ce qu'ils refusent violemment. Seul ce qu'ils n'ont pas à comprendre leur paraît compréhensible; ce qui est réellement aliéné, le mot usé à force d'avoir servi, les touche parce qu'il leur est familier."
Adorno est-il vieux-jeu? Qu'importe. Ce qu'il dit sur la communication touche une question essentielle.
Adorno nous tend un miroir. Nous, sujets modernes, nous complaisons dans notre confort intellectuel à savoir "ce que, de toute façon, [on] pense déjà" et ce dont nous sommes de moins en moins capables, c'est-à-dire "l'effort conceptuel dont les hommes ont délibérément perdu l'habitude".

100 films



Toutes les années du vingtième siècle mentionnées une par une dans ce montage:
Chipé ce petit bijou pour perdre son temps sur le carnet de Jean Dion, un carnet souvent bourré de trucs insignifiants.


Je préfère ce vidéo-ci du même maniaque de films. Même principe, mais cette fois juste des nombres, de 100 à 1.

Ce type est fou. Je me demande, tout comme Jean Dion, combien de films peut-il avoir vus...

Affiche ta ville

Un Montréalais, c'est quelqu'un qui paie des contraventions.
Au bureau d'arrondissement - l'endroit où je paie mes contraventions - il y a cette affiche ridicule qui me nargue. Le message rouge agresse le citoyen que je suis. Mais, encore une fois, l'affiche me convainc de rester en ville...
Sylvie, la gentille dame qui accueille tout le quartier en beau fusil, n'aime pas ces affiches non plus. Je lui ai demandé ce qu'elle en pensait : "C'est de l'argent gaspillé."
Oui, comme mes contraventions.
Tout de même stratégiques ces publicistes à la con. Les contraventions vous donnent le goût de déguerpir à Brossard? Tut Tut. On vous ramène tout de suite sur le droit chemin.


D'autres pubs de la même campagne de la Ville de Montréal martèlent des slogans vides de sens comme "Il y a un Montréal pour chaque Montréalais" ou encore "La banlieue n'est pas une solution".
On dirait que les pubs sociales, comme celles sur le suicide ou sur le jeu, se répandent. À travers les pubs de la Ville, on croirait entendre "le suicide n'est pas une solution". Bientôt, il y aura une pub pour chacun de nos comportements urbains. "Il y a un casque pour chaque Montréalais".

Dylan en interview, avant et après


Dylan sketch le gars qui l'interviewe pendant l'entrevue.
Degré élevé d'auto-suffisance dans ce qu'il dit ensuite.

L'interview n'est pas d'un grand intérêt, Votre Sainteté se lâche des "I don't play that game."
Il parle de "fame and money". "when you look through a window and you look at people [..] but when you get into the room you won't see them being real anymore. Things changed just because you walked into the room." Merci Bob.


la légende faisait plus rire avant d'être une légende :



Lukàcs ou une éthique du meurtre



Lu, avant de me coucher:

"Avec la cohérence du converti fervent, Georg Lukàcs alla, autour de 1920, jusqu'à penser les nouvelles règles du meurtre commis avec de bonnes intentions, sous le nom d'une "Deuxième Éthique". Le nombre deux devait ici signifier que l'on se rappelait certes la première éthique, hostile au meurtre, de la tradition judéo-chrétienne, mais qu'on la mettait consciemment hors service pour pouvoir passer sans entrave à l'action révolutionnaire.
L'idéalisme absolu de l'engagement révolutionnaire déchaînait l'instrumentalisme total pour éliminer les obstacles qui entravaient la nouveauté." (Peter Sloterdijk, Colère et Temps, Hachette, p. 204.)

Bon, une éthique du meurtre. Je ne crois pas que ça puisse remettre en question son travail sur le roman et tous ses travaux de sociocrétinisme. Mais, quand même!

Allô Michael




Le Sismographe, un carnet du Devoir indique que AT&T veut "ralentir le progrès" parce qu'elle n'est plus capable de suivre le rythme de notre "modernité". La compagnie demande aux gens de moins utiliser le transfert de données...

L'image choisie par Fabien Deglise, je l'adopte tout de suite. "Back to the Future". Ah non, je me trompe de Michael. Il n'est pas canadien celui-là. Et Michael J. Fox est plus soft, moins cocaïnomane.
Trop de Michael dans les années 90...


Montréal café

Le contraste d'une journée d'intérieur. L'antre où "j'étudie". La table des amoureux versus l'avenue Outremont enneigée.



Noël avec Dylan : Vidéo de "Must be Santa".

Le dernier repas d'un condamné














Vieille nouvelle, mais tout de même : Romell Broom dont on a raté l'exécution en Ohio.

Me fascine toujours avec quel détail on décrit le dernier repas :

"Le condamné à mort a pris son dernier repas à 16h dimanche. Il avait commandé une pizza extra fromage garnie d'oignons, de champignons et de poivrons verts, des rondelles d'oignons frites, des chips Doritos, une tarte aux cerises, une crème glacée aux bleuets et un Dr. Pepper."

Tant qu'à être traité comme du bétail, pourquoi donc un dernier repas?




Les petites juives

Vous souvenez-vous de ce que c’est que revenir de l’école quand il fait noir? Depuis que les nuits ont allongé, les petites juives marchent groupées. Quand elles reviennent de l’école, elles marchent par essaims. Elles sont cinq ou six, en formation, à se frôler tellement elles se suivent de près. Elles ont de petits pas rapprochés. Elles piétinent pour ne pas se rentrer dedans. Mes petites juives ont de grands yeux qui me réconfortent dans le noir.

Travaux forcés


Travaux forcés. Ou, pour les intimes, les travaux de fin de session.

Une écriture de note de bas de page.

Un travail d'université, c'est une bibliographie dûment commentée.

Déplaisir. Gymnastique dépourvue de sens.

Pour les vraies notes de bas de page et les vraies bibliographies, encore moins d'estime. Je sais que le professeur qui me corrige ne lit ni les notes de bas de page ni la bibliographie. Oh, il jette un œil. Il s’assure que tout est là, pour la forme.

J’ai le sentiment d’être à côté. Je me sens comme le pompier qui sortirait les meubles d’une maison qui brûle. Mieux, un pompier qui éteindrait un feu de poubelle.


le Grand rire

Il faut naturellement rire à tout prix. C’en est devenu déplacé cette manie de rire sans arrêt. Nous sommes malades de rire, incapables d’arrêter de rire. Comme quand un enfant a le fou rire, on le trouve drôle au début et puis après on lui dit : « mais arrête donc! », on s’excuse auprès des autres. On se sent mal, bien entendu. C’est déplacé tout ça. « Je crois qu’il est fatigué, mon enfant ». Tout d’un coup, ce n’est plus drôle. Et l’on punit l’enfant.

Il y a eu la Grande Guerre, mais je crois que nous sommes à l’époque du Grand rire. Un rire collectif.

Les gens du futur, ils vont voir toutes nos sitcoms, nos émissions de variétés et ils vont se dire que c’est un non-sens. Mais, ils ne riront plus de la même chose que nous. Forcément, nous rions du présent, de situations bêtes qui sont les nôtres. Nous rions de notre quotidien et eux, les gens du futur, riront de nous.

Je crois qu’ils vont se demander pourquoi ils avaient autant besoin de rire. Étaient-ils dépressifs?

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- Étaient-ils dépressifs?

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Humour noir

Été voir le documentaire sur Laferrière à l’ex Ex-Centris, dont il reste une salle de cinéma : Le parallèle. Joli minois d’ailleurs. L’ancien Ex-Centris est transformé en lounge bon chic bon genre et on y donne des concerts jazz. L’art s’embourgeoise.

Il y avait un pauvre type dans la salle. Un vrai de vrai, qui a applaudi à tout rompre à la fin de la séance et qui s’est mis à crier des « bravos! », « bravos! » comme s’il était à l’opéra ou à la première pièce de théâtre de sa fille. Eh bien, le pauvre type, figurez-vous que je n’ai pas été surpris de l’entendre parler d’ « humour noir » et de « fine ironie » à la sortie de la salle. Ayant le nez pour flairer pareils imposteurs, j’ai tendu l’oreille. Celui que je croyais être un pauvre type, un papa de centre communautaire, est en fait du « milieu » artistique.

Je déteste les gens quand ils parlent d’art.

Ce type, je l’avais de travers. Ceux qui me connaissent savent combien je peux faire un cas en pareilles circonstances. Me suis dis : « bah, oublie ça. » N’empêche que j’aurais dû le reconnaître avec son foulard à la Franco Nuovo… J’ai ri un bon coup, intérieurement bien sûr, en me rappelant qu’il parlait de l’humour nègre de Dany Laferrière. Mais pas d’humour noir là-dedans mon ami, ça non, juste la réalité haïtienne.

Le documentaire, je vais y arriver.

La cassette que Dany Laferrière nous passe depuis des années sur toutes les tribunes, c’est celle de ce film. Le docu est bien ficelé. Faudrait écouter ce qu’il a à nous dire une dernière fois, Dany. Et ce film, je le réécouterai après sa mort.

Un des Péruviens qui a travaillé avec Pedro Ruiz, le réalisateur, est venu nous parler en début de séance. Pour tourner, ils sont partis, neuf sherpas entêtés, puis ils ont bouclé le film avec les moyens du bord. Ils ont suivi Laferrière, comme une rock star, en Haïti, à New York, partout. La scène où l’on voit Dany en compagnie du poète Frankétienne est géniale. Ce Frankétienne, chez Mémoire d’encrier, je vous le recommande.

On nous repasse des scènes des films de Dany Laferrière avec Maka Kotto et Michel Mpambara, notamment. C’est aussi plaisant de voir Laferrière tout enjoué, du temps où il faisait la météo à TQS.