La Petite Pologne



"Jamais aucune nation autant que nous aujourd'hui n'a eu besoin de rire. Et jamais aucune n'a moins compris le rire: son rôle libérateur."

Cette nation dont parle Witold Gombrovicz dans son Journal, c'est la nation polonaise.
Pour moi, le Québec est une Petite Pologne.
Dans Va savoir, Rémi Vavasseur vit dans la Petite Pologne qui n'est autre chose que le Québec profond, un lopin de terre qui fait figure de monde en soi.
Je ne sais pas. C'est le rôle libérateur du rire qui m'a fait drôle.


Homme d'affaires


Je vois des hommes d'affaires tous les jours.
Je les vois défiler à l'endroit où je travaille.
L'homme d'affaires se lève tôt.
L'homme d'affaires est sûr de lui.


L'homme d'affaires marche d'un pas sûr.
Sûr?
On reconnaît un homme d'affaires quand on en voit un.
On se dit : c'est un homme d'affaires.

Mais, qu'est-ce que c'est qu'un homme?
Et un qui est d'affaires?




Vert et Or noir


Du temps que j'étais un Vert :

Mais oui! BP et le Parti vert du Canada ont le même logo...



Guerre et environnement


Le lien m'a été transmis par @unamibienaufaitdetout via Twitter.


Zizek sur l'environnement. Réflexion pertinente comme il y en a peu à lire sur le sujet. L'environnement est l'idéologie du moment, le lieu où tous les clichés sur le bien-être et toute la mièvrerie du monde sont permis.

Quand je lis ou surtout quand j'entends ces belles paroles sur la nature, je me sens vert à vomir. Pas-que-ce n'est pas vraiment vrai ce qu'ils disent et qu'ils se fichent de l'environnement. Pas parce qu'ils disent n'importe quoi uniquement pour acheter la bonne conscience comme on achète son pain à l'épicerie. Parce que l'idéologie. Parce que les bons sentiments. Moi qui ai déjà été vert jusqu'à inciter les autres à être verts et à vendre des cartes de membre. Ce serait bon pour les #jeudiconfession.

Zizek pose de vrais problèmes. Il lie l'environnement à la guerre, sans détour. Je ne vous l'offre pas à lire au complet parce que ce peut être longuet ici.


Humankind should get ready to live in a more nomadic way: local or global changes in environment may demand unprecedented large-scale social transformations. Let's say that a huge volcanic eruption makes the whole of Iceland uninhabitable: where will the people of Iceland move? Under what conditions? Should they be given a piece of land, or just dispersed around the world? What if northern Siberia becomes more inhabitable and appropriate for agriculture, while great swaths of sub-Saharan Africa become too dry for a large population to live there - how will the exchange of population be organised? When similar things happened in the past, the social changes occurred in a wild, spontaneous way, with violence and destruction. Such a prospect is catastrophic in a world in which many nations have access to weapons of mass destruction.

One thing is clear: national sovereignty will have to be redefined and new levels of global co-operation invented. And what about the immense changes to economies and consumption levels demanded and brought about by new weather patterns or shortages of water and energy sources? How will such changes be decided and executed?

It is instructive, here, to return to the four elements of what the French Marxist philosopher Alain Badiou calls the "eternal idea" of revolutionary politics. What is demanded, first, is strict egalitarian justice: worldwide norms of per capita energy consumption should be imposed, stopping developed nations from poisoning the environment at the present rate while blaming developing countries, from Brazil to China, for ruining our shared environment.


Vigneault


J'ai peur que ne meure Gilles Vigneault.

Je me demandais qui est-ce qui prendra "la relève"? Je dis "la relève" comme on le dit à tous les jours sur la première chaîne de Radio-Canada, comme si c'était un groupe, comme si... La relève, la relève! Alors, qui?
Nos poètes, on ne les voit pas sur les tribunes, se cachent derrière leurs machines à écrire, faut croire. Les chansonniers? Pierre Lapointe, pas sûr. Moffat, Dumas et autres se la roucoulent douce entre deux balades. Des engagés socialement, je veux dire. Les loquaces? Oui, certainement. Biz a fait le moulin à paroles et vient de publier un premier ouvrage. Remplacer le grand chef, non, jamais. Chanson pour chanson, je ne suis pas sûr que les Cowboys fringants et Karkwa aient de quoi rivaliser avec Gilles. Force est d'admettre qu'un Gilles Vigneault ne se remplace pas.

"L'étoile du match", disent les commentateurs de Twitter. Je l'ai trouvé fatigué, un peu. Il était quand même fringuant : c'est que d'habitude il pète le feu. J'ai peur pour Gilles.


Son passage de dimanche dernier à l'émission Tout le monde en parle : http://www.radio-canada.ca/emissions/tout_le_monde_en_parle/saison6/episode.asp?idDoc=108968&autoPlay=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2010/CBFT/ToutLeMondeEnParleEntrevues201004182000_1.asx

Rick


"I just wanna tell you how i'm feeling". N'est-ce pas merveilleux que de revivre?

Je voulais juste te dire comment je me sentais après avoir fini mes travaux de fin de session.
Exaltation printanière, quand tu nous guettes...

Le printemps, c'est comme une toune de Rick Astley.

Ça a une sale gueule, mais on se laisse emporter par l'enthousiasme.
Une sale gueule de ruelle qui se réveille au printemps.
Optimisme. Joie.

Ok, dorénavant je vais m'abstenir de faire des billets du type #StéphaneLaporte.

Le jugement de Dieu


Artaud, sur le jugement de Dieu, la fabrication des soldats...

Sa voix. Sa voix reconnaissable entre toutes, celle d'une vieille sorcière quand il pousse son "j'ai appriiiiiis hier" inaugural.

Le conditionnel


Barthes dit quelque part dans son Roland Barthes que le conditionnel est beaucoup trop lourd, qu'il faudrait un autre temps verbal pour dire légèrement.

Dans la langue, tiens, un autre temps. Légèrement.

Mettons qu'on veut refuser un emploi sans froisser la personne. On dit quoi? L'opportunité serait intéressante. La personne ne comprendrait pas. En disant, elle serait intéressante, l'opportunité, on démontre déjà trop d'intérêt. Ça y est, elle nous croit intéressé alors qu'on voudrait dire le contraire.

Je crois que le conditionnel n'a pas la place qu'il pourrait avoir. Ou qu'on ne l'utilise pas dans toutes les teintes qu'il permet.

Imaginez qu'on puisse dire ans vraiment dire. Imaginez qu'on puisse utiliser le conditionnel par politesse, par égard. Je ne suis pas certain, mais... quelque chose me dit que nous n'avons plus beaucoup de cet égard-là, dans le langage du moins.

Si je veux faire entendre à mon interlocuteur que ce n'est pas exactement ce que je souhaite, cette opportunité qu'il m'offre sans décliner brutalement. Que lui dire?


Le tombeau


Hommage à Michel Chartrand par Amir Khadir en chambre.

Un politicien qui s'exprime bien. Une rareté.

Le tombeau, genre qui vise à rendre hommage à une personne disparue, devient, par les temps qui courent, bien québécois. Les acteurs importants des années 60-70 tombent. Bourgault, Vadeboncoeur, Falardeau, puis maintenant Chartrand. J'en oublie, c'est sûr.

Je sais que ce fut un moment charnière pour les Québécois, une époque où la littérature avait une importance inégalée, où il y avait la montée de l'indépendance, une effervescence des arts, de grands courants de pensée, etc.
Le Québec était déjà nostalgique de cette époque, je me demande ce que cela va être... Ce qui s'écrira aura quelque chose du chant des pleureuses. Une nostalgie un peu dégoulinante, mais qui fait du bien. Histoire d'entrevoir une éclaircie en ces temps de grisaille idéologique.

Michel Chartrand est mort.

La chronique de Gil Courtemanche sur Michel Chartrand.

Celle de Foglia, non pas celle qu'il a écrite sur Michel, mais sur un ancien boss à la veille de mourir. Deux tombeaux de suite ou presque pour lui. Sa chronique sur Chartrand s'intitule « Tabarnak ».

Je souligne le ton unique de pareille écriture : un ton, une émotion qui, il me semble, amène l'écriture ailleurs.

Pratiquez-vous à écrire des tombeaux, ce peut être lucratif.

Les doléances du cinéaste


Des commères. Je ne sais pas si vous avez vu ces échanges entre l'éditorialiste Mario Roy et le cinéaste Xavier Dolan... L'intérêt? Je ne sais trop.

"C'est pas ça que j'ai dit. Non, c'est ça que tu as dit." Des pies.

Dans un premier temps, Mario Roy écrit sur Dolan, qui lui réplique, ensuite vient, par M. Roy, la réplique de la réplique. Voici la réplique de la réplique.

Au-delà du piaillement, on est tellement habitué d'entendre piailler que ce bruit sur le financement, on ne l'entend plus. Il y a un écoeurement de tout ce qui est politique dans l'art, le financement en particulier. Avec raison.

Je crois qu'on déteste un peu Dolan pour cette raison. Pas seulement à cause de la jalousie, pas seulement à cause qu'il est fendant, mais parce qu'il parle sans arrêt de financement. Il a peut-être raison, d'ailleurs. Comme on ne peut se passer de financement, on ne peut cesser de pérorer sur les conditions du financement artistique.

Je n'entends plus le bruit de la rumeur.

Le bruit de la critique se fond dans le bruit des "Zartistes". Je dis ça sans moquerie. Je dis Zartistes parce que parler sans arrêt de financement ce devient un peu déplacé, comme parler d'argent à un souper de famille. Parler de financement quand on parle si peu d'art.

Je trouve que parler financement ça tue l'art à petit feu.
En ce sens, et seulement en ce sens, Roy a un peu raison quand il dit que l'histoire de son non-financement a été l'histoire de son film.

Il a visionné beaucoup de films, il est capable de parler. De la culture cinématographique qu'on veut.

Parle-nous de films, Xavier.

La petite culotte


Les chroniqueurs jouent à sortir les bobettes des tiroirs. À dire, ne renifle pas cette culotte-là mon ami. À dire, Homier-Roy a ri et n'a pas décrié l'homme de théâtre qui a avoué avoir des envies de mineurs.

Pierre Foglia revient sur cette histoire de moeurs dans sa chronique qui porte sur une autre chronique, celle a écrit Lagacé :


Il a raison de dire qu'il est fatigué, Pierre. Il l'est. Il n'y a pas si longtemps, le chroniqueur nous aurait expliqué pourquoi, il aurait été piger un exemple dans la littérature, il aurait décortiqué ce "type" qu'est devenu le journaliste moderne, le franc-tireur, . Il aurait dit que le franc-tireur est aussi un inspecteur de petites culottes et qu'il écume les biographies.

Le franc-tireur est du côté de la vérité! Il sait, lui, ce que sont les moeurs de l'époque. Ce que les gens font de leur vie, leurs désirs, leurs envies de pédé sur des mineurs.
Le journaliste moderne, lui, se pose en porte-étendard des victimes. Il est fier de prendre une bière avec la horde de voisins qui compatissent ensemble avec les "victimes". Le chroniqueur-tireur n'hésite pas à mettre son nez dans la charogne, à dépecer sans scrupules. Longue vie au franc-tireur!

Mais s'est-il seulement demandé s'il y avait une victime?
S'est-il demandé si ce squelette en était vraiment un?

Scène familière



Nuages sur la ville de Simon Galiero nous donne une scène burlesque :
Un adolescent ramène une fille chez elle. Elle l'invite à rester à coucher puisque ses parents sont partis à Cuba. Couche avec elle. Le lendemain, il se lève, ouvre le réfrigérateur avec l'intention de préparer le petit-déjeuner. Rien dans le frigo.
Prends l'auto pour aller acheter de quoi cuisiner du pain doré.
Il revient dans le quartier et découvre avec horreur que tous les bungalows sont identiques. Désespoir. Il n'arrive pas à retrouver la maison de Jessica. Au lieu du déjeuner au lit, il sera le type qui s'est poussé au matin.

Le jeune s'énerve, fait demi-tour, cogne à une porte et se rend compte qu'il s'est perdu, qu'il ne retrouvera jamais la maison de Jessica, une maison jumelée pareille aux mille autres du quartier. Cette banlieue devient une jungle épaisse dans laquelle on s'enfonce sans repères. Être bouffé par la ville. Inquiétant cauchemar.

Dans son énervement, il demande à un voisin qui tond la pelouse s'il ne connaîtrait pas une Jessica dont les parents sont partis à Cuba. Il se fait regarder comme s'il venait d'une autre planète...

L'autre spirale, pas le magazine



un prof de Nanterre évoque "la spirale de l'endettement public des pays occidentaux"

Et tout ça aurait commencé avec les Jeux, encore eux, qui ont coûté 9 milliards d'euros.

les bons sentiments de Nana Mouskouri : son «devoir envers la patrie», elle a décidé de faire don de sa retraite d'eurodéputée, poste qu'elle a occupé entre 1994 et 1999, à l'État grec.


Pratte sort l'épouvantail

La crise, je me demande si c'est pas le monde qui la crée...

L'éditorialiste en chef de La Presse fait un parallèle entre la situation économique de la Grèce et celle du Québec.

André Pratte, qui ronronne comme un vieil air climatisé, en parle dans sa chronique. Pratte fait un parallèle douteux. Il sort les épouvantails, comme il le fait trop souvent. On devrait geler les salaires de la fonction publique, en cas. On devrait geler les dépenses, en cas. On devrait mieux gérer, facile à dire. On devrait prendre exemple, matante. On devrait, on devrait.

C'est ce que vient de faire Ottawa, André. Du calme... Harper a gelé les budgets de tous les ministères.

La situation actuelle de la Grèce vient nous rappeler que si un État ne maîtrise pas ses dépenses, il finira par subir les foudres de ses créanciers. Alors, il perdra toute marge de manoeuvre; sa politique budgétaire sera dictée par des forces extérieures. C'est le scénario que veulent éviter ceux qui, depuis plusieurs années, déplorent l'état des finances publiques du Québec et réclament une action plus énergique du gouvernement. Il ne s'agit pas de saper les politiques sociales; il s'agit de les gérer de manière responsable de façon à éviter que le Québec se retrouve bientôt, comme la Grèce, le dos au mur.

Je trouve que... Plaquer la situation économique de la Grèce sur celle du Québec, ça fait peur au monde.

Les jeux olympiques, ça vous dit quelque chose? La Grèce s'est mise dans le trou avec ses jeux. Pas seulement ça, allez vous me rétorquer. N'empêche. Le Canada a dépensé 9 milliards pour les Jeux de Vancouver... C'est le seul parallèle que je ferais avec la Grèce. Les luttes syndicales, il y en a partout, chose.

André, André, André.

Contrôle parental



C'est plutôt évident mais Roland Barthes m'a fait réaliser que la voiture agit comme un contrôle parental


Les parents vont reconduire leurs enfants pour qu'ils jouent avec des enfants avec lesquels ils veulent bien qu'ils jouent.
Des enfants de même classe sociale, de préférence.

C'est que, hors du quartier où ils ont choisi d'habiter, les parents contrôlent les fréquentations de leur enfant jusqu'à ce que lui-ci ait lui même l'âge de se déplacer... en auto.

Bien sûr, on prend la bicyclette pour se déplacer. Mais on ne va guère loin en pédalant. La banlieue, isolée de la ville par des ponts, des autoroutes et des rivières, éloigne les enfants de la pauvreté, la vraie.

La voiture comme instrument de contrôle? Sans charrier, il faut bien admettre que nos villes sont construites en fonction de l'auto et, par là, aident à créer des barrières physiques.

Où va la littérature

Pas une question. Où va la littérature dans le sens de la direction qu'elle prend.
Je suis conscient que c'est un peu longuet, mais, sur l'engagement de l'écrivain, ça vaut la peine de s'arrêter.

En complément de l'article sur Jean Larose, qui, tout de même, méritait qu'on se livre à une réflexion digne de ce nom.

Trouvé ce paragraphe chez Maurice Blanchot dans Le livre à venir, "Où va la littérature", p. 366.

"Cependant, lorsque l'écrivain se porte, avec un tel entraînement, vers le souci de l'existence anonyme et neutre qu'est l'existence publique, lorsqu'il semble n'avoir plus d'autre intérêt, ni d'autre horizon, ne se préoccupe-t-il pas de ce qui ne devrait jamais l'occuper lui-même, ou seulement indirectement?

[...]

Si aujourd'hui l'écrivain, croyant descendre aux enfers, se contente de descendre dans la rue, c'est que les deux fleuves, les deux grands mouvements de la communication élémentaire, tendent, passant l'un dans l'autre, à se confondre. C'est que la profonde rumeur originelle - là où quelque chose est dit mais sans parole, où quelque chose se tait mais sans silence - n'est pas sans ressembler à la parole non parlante, l'entente mal entendue et toujours à l'écoute, qu'est "l'esprit" et la "voie" publics. De là que, bien souvent, l'oeuvre cherche à être publiée, avant d'être, cherchant la réalisation, non pas dans l'espace qui lui est propre, mais dans l'animation extérieure, cette vie qui est de riche apparence, mais, lorsqu'on veut se l'approprier, dangereusement inconsistante."

Temps du récit

Dans l'extrait proposé, analysez le temps du récit dans une minute de tremblement de terre.

Ceux qui étudient la littérature le savent : il faut se méfier du temps. Laferrière écrit que "le vrai temps" était sorti des décombres pour interpeller les haïtiens. Qu'est-ce que peut bien être le vrai temps?

"Je ne savais pas que 60 secondes pouvaient durer aussi longtemps", écrit Dany Laferrière à propos de la nuit du tremblement de terre.

La suite : "Et qu'une nuit pouvait n'avoir plus de fin. Plus de radio, les antennes étant cassées. Plus de télé. Plus d'Internet. Plus de téléphones portables. Le temps n'estplus un objet qui sert à communiquer. On avait l'impression que le vrai temps s'était glissé dans les 60 secondes qu'ont duré les premières violentes secousses."


Les dinosaures


Récemment, Jean Larose abordait la technologie dans sa chronique littéraire publiée dans le Devoir.

Des dinosaures qui écrivent dans ce journal, je vous dis.
Sont là à s'acharner sur le "blog", Facebook et Youtube. Cette technologie dont il ont si peu l'expérience pratique, par ailleurs.

Larose écrit le Collectif en y mettant un grand C. Il dit que ce collectif en a quelque chose contre le fait de lire seul, d'écrire seul et de penser seul. Que c'est ça se révolter, penser seul. Non, au contraire, quand tu es seul, tu le demeures. N'est pas Proust qui veut monsieur Larose. Le monde, y s'en fout éperdument que l'intellectuel reste seul dans son coin. Rien ne sert d'être masturbateur, mieux vaut s'en rendre compte à temps.
Cette posture systématique qui consiste à se poser en victime du Social par un pauvre écrivain solitaire devient illusoire. Cette posture est accablante. Oui, c'est le propre du penseur d'être solitaire... il n'y a pas à en rajouter.
Et pis, pour les réseaux sociaux, ils ne nuisent en rien à l'écriture. Ce ne sont pas des pratiques du même ordre.

Et s'attaquer au Kindle, ou faire mention de sa non-pertinence, c'est comme s'attaquer à Internet, aux ordinateurs portables, comme s'ils allaient tous remplacer le stylo. Ce sont des outils. Les outils qu'on utilise pour écrire ou lire ne compromettent en rien l'activité littéraire.
Fuck les dinosaures!


L'illusion comique

Lu sur Facebook :


This is a fan page. I never said that I am Joe Sacco. You only have to read the information of this page. This is only a tribute to his work. If some day Mr Joe Sacco wants to use or delete this page hi only have to contact us and we will respect his decision. Internet bring us the possibility of share ours referents with people around the world.


Ceci provenait d'une "Fan page". Le contrat implicite nous dit que ce n'est pas Joe Sacco qui est derrière les commentaires émis, bien entendu. Mais tout de même, qu'on ait à le préciser, il me semble, démontre à quel point la ligne est mince entre le vrai Joe Sacco et celui-qui-écrit-en-son-nom pour-lui-rendre-hommage.

Ça ouvre des possibilités! On peut devenir de grands personnages, se glisser dans leur peau et leur faire dire ce qu'on veut. J'y pense... l'idée me plaît. Alors, si jamais vous tombez sur une Madame de Pompadour trop vulgaire pour être vraie sur Facebook...

Qui est derrière qui?



Une sabbatique




Tous les profs prennent des sabbatiques, c'est bien connu. La sabbatique c'est le paradis perdu. Y prennent ça avant de prendre des anti-dépresseurs. Le plus souvent, un prof profite d'une année sabbatique pour écrire sur ce qui l'intéresse vraiment.

Ce doit être comme attendre dimanche toute la semaine.

Un ami me disait qu'il espérait de l'année sabbatique de Jean Grondin un ouvrage de son propre cru sur la métaphysique comme d'autres espèrent que le Canadien fasse les séries.

Pourquoi attendre d'être en sabbatique?
Selon Zizek, ça en dirait long sur l'état du système d'éducation actuel.




Crise et capitalisme


Nous qui venons d'en vivre une, une "crise"... Avez-vous constaté des changements notables?

Zizek sur le capitalisme:
"crisis are used to reinforce the ideology of the system itself."

Une position scabreuse


Ce type-là va se faire fracasser les vitres de son char.

Les employés du Journal de Montréal en lock-out cherchaient un scab depuis longtemps. Ils l'ont. Il va en baver.

Je ne sais pas à quoi il a pensé.

Traverser une ligne de grève, ça ne se fait pas.
Quand un journal est dehors depuis plus d'un an...
Ça ne se fait juste pas.

Le livre électronique donne des boutons



Encore au banc des accusés: la technologie et son incidence sur nos habitudes de lecture.

La chronique de Jean Larose de samedi dernier dans Le Devoir, non sans ironie, évoque le « spectre [qui] hante le monde du livre ». Un autre résistant, ce Larose... même s'il écrit que « chacun sent que toute résistance est vaine ». On sait bien que pour lui c'est tout le contraire, que lui, il reste seul à lire, à écrire, à penser.
Ce devient une maladie chronique d'envoyer au diable la technologie au Devoir. Dans les pages littéraires, on a des boutons chaque fois qu'on entend parler du livre électronique.

On en vient à se demander si la moyenne d'âge au-dessus des 60 ans des journalistes du cahier littéraire ne les rattrape pas.

Plus ça va, plus je me dis que ce n'est pas de la bonne manière qu'on aborde ce débat (?) technologique qui risque anéantir des millénaires de pages écrites. On n'a pas à être pour au contre, on n'a pas à se battre contre des moulins.

J'aime bien la réaction de Nicolas Dickner sur Hors champ :

"Nous sommes en plein Web 2.0: l'époque de la littérature sociale.

Presque tout le monde y patauge. Nonagénaires, condamnés à mort et luddites - sans compter ceux qui ne s'abonnent que pour dire au monde entier à quel point tout ça les emmerde.

Voulez savoir mon avis? Ce n'est ni bien ni moche. Parfois un peu lassant - comme cette vieille télévision qui, au plafond de l'urgence de l'hôpital Saint-Luc, joue 24 heures sur 24, dans l'indifférence générale."

Joe Sacco ou renouveler le journalisme



Je tiens absolument à écrire à propos de Joe Sacco, non, pas l'ancien joueur des Mighty Ducks d'Anaheim. Le Joe Sacco qui a inventé un genre : le BD reportage.
Il est reporter et s'est rendu dans des endroits chauds du monde. La Bosnie et la bande de Gaza, notamment.
Il fait de la BD politique. Je vous vois venir. "Tu sais moi la BD, ce n'est pas mon truc." Ou encore: "J'aime beaucoup Tintin". Bien sûr, bien sûr. Ça dénigre la BD sans en avoir lu une depuis la petite école.
J'étais loin d'être conquis à l'idée de lire une BD, même les plus en vogue m'avaient fait "bof".
Mais Joe Sacco, ce n'est pas pareil. C'est tellement bien fait.
Je viens de finir Footnotes in Gaza, cette BD qui raconte les massacres oubliés qui ont eu lieu dans les villes de Rafah et de Khan Younis.
Je n'arrête pas d'en dire du bien. C'est facile d'accès et bien fait.
Sans blague, Sacco est à mon avis un incontournable. Me voilà emballé comme à la petite école, du temps où j'empruntais 10 bds d'un coup à la bibliothèque.
Franchement, je lui donnerais, à Joe Sacco, le Nobel de la paix et le Nobel de littérature la même année, autour de 2020, pour l'ensemble de son oeuvre.

Procurez-vous l'exemplaire sur Gaza et vous aurez l'air moins niais lorsque vous parlerez de ce conflit si complexe, et complexe est un euphémisme. Du pur plaisir.
Chez Drawn & Quarterly, rue Bernard.

L'américanité de nos villes

Je n'ai pas encore digéré le McDo de Saint-Charles, mon village natal.

"Toutes [les villes américaines] sont travaillées au ventre par le désir fou d'être une ville américaine. Les petites villes ressemblent carrément à des trous à rats avec les mêmes magasins, les mêmes banques, la même demi-douzaine de McDonald's et autres restaurants bon marché, les mêmes policiers à tête de lard qui ne s'excitent que le samedi soir, le même journal corrompu et les mêmes adolescents complètement tarés."
Dany Laferrière, Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit ?

Puisqu'on est sur le sujet:

De bonnes nouvelles pour la chaîne McDonald's, qui prend maintenant en compte les produits locaux!

Erin


Si j'étais à la tête d'une maison de disques, je viendrais faire signer un contrat à Erin Lang.
Un papier sur une prestation qu'elle a faite à Toronto.

Wikipedia m'apprend son histoire assez singulière. Mes histoires de spéculateur vorace visant à lui faire signer un contrat ne mèneraient nulle part puisqu'elle a son propre label.

Elle se pratique tous les mardis au Dépanneur café. En plus, elle est charmante comme tout.


Là où la salopette fait l'homme


Une grosse au bar de la place, à Saint-Fortunat.

Une communauté de motoneigistes.

Je m'étais dit, je me souviens de ma première impression un peu romantique de la place, que ce devait être le trou-de-cul du monde. Heureusement, je me trompe toujours dans mes premières impressions.

C'est un de ces endroits "pittoresque" selon certains, qui résiste à l'air du temps diraient d'autres. Si l'imbécillité est pittoresque alors je veux bien parce qu'ici, à Saint-Fortunat, ce qui importe, c'est le moteur et la bière qui coule à travers son homme.

Une horde de motoneiges alignées comme autant de chevaux dans notre imaginaire du Far-west. Convention oblige, on doit enlever une partie de l'armure. On ne garde que la salopette qu'on ne peut enlever sans quoi la bedaine nous en tomberait.

Au menu, des burgers de bison et des hot-dogs wapiti. Génial!

Aux toilettes, un écriteau dit : « Vaux mieux une bière qui fait pisser qu'une femme qui fait chier. »

Dormir en public


C'est bien la première fois que je m'endors dans un café.

Je divague.

Dans un demi-sommeil, je me délasse, m'étire et reprends vie.
Je conçois mal que je puisse m'être endormi en public. L'espace d'une seconde, je me demande où puis-je bien être. Désorientation totale. Je ne suis pourtant pas du genre à m'endormir partout.
Le guichet ATM flashe comme un néon de casino. Ce pauvre guichet me fait marmonner des "a t'aime" en me trouvant très drôle.
Je suis presque seul. Sur le coup, je ne réalise pas qu'un type me regarde. Les cheveux gris, les traits du visage attendris et la barbe mal foutue, il me dévisage. On dirait Armand Vaillancourt.
La table, qui a des pattes en forme de pieds humains, me semble-t-il, a changé de place.
Et puis, avant de m'assoupir, je venais de lire cet article sur les monstres et les êtres humains qui sont laids dans le Believer. Cet article m'a assommé. J'en suis presque sûr. Au fait, j'ai un ami qui dessine des monstres.


Le vierge exposé


Je recommande l'exposition sur Roland Giguère à la Grande bibliothèque. Des trésors qui nous sont donnés à voir. L'auteur de Forêt vierge folle, qui était aussi peintre et graveur, faisait des estampes remarquables.

On se trouve dans l'atelier du poète, et ça fait tout drôle. On se sent comme si ce n'était pas vraiment notre place et que c'est même un peu voyeur de voir toutes les ficelles de la création.
Ce que nous voyons, nous avons le sentiment de ne pas être supposés le voir.

Horizons de 2009

Tiens, tiens. Les deux romans réunis sur une même affiche. Le ciel de Bay City et La route. Sont pas fous nos libraires.

Me suis demandé ce qu'ils avaient en commun, ces deux romans, pour avoir été si primés.

L'Amérique, bien entendu.

L'Amérique qui brûle. Une vision apocalyptique du monde. Notre américanité disséquée dans ses valeurs poubelles à la K-Mart.

Et puis, le miroir nous renvoie une image de nous-mêmes, notre individualité dans cette Amérique trouble. Chaque fois, le parcours d'un être seul au monde.

Dickner donne aussi dans l'apocalypse, tout comme pas mal de romans publiés en 2009...

Si c'est pas ça un horizon d'attente, je m'appelle Jauss.

C'est dans le sac


Hier, j'étais tout à l'envers. Une journée de printemps en janvier. Les avez-vous entendu les oisillons? Les oiseaux sont tout mêlés, comme moi. Je me mets une p'tite laine et je file au café.

Tellement de bonne humeur que c'était pas normal. C'était louche.

De la poésie pure, la neige molle, ma tête molle.

Ah, que j'aimerais me promener avec une citation d'Oscar Wilde sous le bras!

La poésie est à la mode. La poésie est parmi nous.

Merci, Renaud-Bray, d'ensoleiller mes journées de sacs à poèmes!

L'encadrement de la réussite


À la librairie de l'université, mis en valeur, dans la vitrine, il y a ces cadres dans lesquels on peut insérer un diplôme qu'on obtiendra dans un futur proche.
Je vous avertis, aucun de ces cadres n'est en bas de 100 piastres.

Je vous aide à faire votre choix, voici le mien :

Acajou ou cerisier pour le cadre de bois.
Bordure dorée avec ornement de type cordage.
Passe-partout fini suède bleu et filet or.

Le Devoir a 100 ans!


Je résume la situation des médias écrits montréalais :

CanWest est en faillite. The Gazette est donc en faillite ou à vendre.

Le Devoir a 100 ans! Descôteaux, son rédacteur en chef qui goûte le sirop de poteaux, clame sa pertinence! À mon avis, quand on a 100 ans, on a atteint un âge respectable et on n'a plus à dire qu'on est pertinent.
On devrait l'avoir déjà prouvée, notre pertinence. Au Devoir, force est d'admettre que la qualité des textes des pages littéraires et critiques est franchement inégale. Des morons à côté de Ferrari intellectuelles, ça donne un curieux patchwork. Parfois, mon Devoir, on dirait qu'il est écrit par une grand-mère centenaire.

La Presse vient de régler à la baisse les conditions de travail de ses employés. 200 travailleurs devraient perdre leur emploi (en distribution principalement) cette année au journal de la rue St-Jacques. Depuis cette année, La Presse n'est plus publiée le dimanche.

Comme si le portrait était pas déjà désastreux : les employés du Journal de Montréal sont en lock-out depuis le 3 octobre dernier. Se retrouvent sous cet abri de fortune qu'est Rue Frontenac.

Les journaux gratuits? L'Hebdo Ici a cessé d'être publié. Et, puis ça c'est de l'information-minute, pas du journalisme.

Pour Jean-Claude Leclerc, enseignant en journalisme à l'université de Montréal et journaliste au Devoir, "on se dirige donc vers un journalisme d'élite côtoyant des publications bassement racoleuses. "On abandonne le journalisme démocratique, celui qui participait à la formation de la conscience politique". Pour lui, le journalisme est à un croisement : "la voie facile ou la lutte".*

On fait quoi?

*Piqué des bribes d'une entrevue avec J-C Leclerc dans le journal des étudiants en journalisme "Le Reporter", décembre 2009.



Camus



Camus à l'émission Second regard. Ça n'a servi à rien de l'écouter sinon à se rappeler qu'il n'y avait pas de journalistes capables de traiter la littérature à Radio-Canada.

Entrevue avec la fille d'Albert. Elle nous a dit qu'elle avait de l'admiration pour son père...

On nous a décrit Camus comme "un écrivain solaire" en référence à ses phrases lumineuses et à ses affinités avec le soleil d'Alger... Pour ma part, j'ai relu L'été pour attraper un peu de cette "luminosité". C'est vrai que les phrases de Camus sont pleines de soleil, mais à la télé et avec la petite musique et les images nostalgiques, ça sonnait cul-cul pas à peu près.

L'été, cette nouvelle aux phrases magnifiques m'a fait me demander si on pouvait encore écrire comme ça, aujourd'hui. En lisant, j'étais persuadé que non, que ça ne se pouvait plus.
Camus est indissociable d'un "moment philosophique" de l'Histoire comme l'écrit Frédéric Worms dans le Télérama hors-série. À lire ou relire Camus, tout simplement.

L'oeil du styliste


L'Express nous offre Tom Ford en plein travail.

Critiquer la critique

A Single Man, un film de Tom Ford
"Pour son premier long métrage, Tom Ford fait preuve d'une maîtrise incroyable."

À Los Angeles en 1962, le professeur Falconer (Colin Firth) pense vivre la dernière journée de son existence. Inconsolable depuis le décès soudain de son amoureux (Matthew Goode), il a l'intention de se suicider. Avant de commettre l'irréparable, il décide de rendre une dernière visite à sa meilleure amie (Julianne Moore) et de boire un coup avec un étudiant (Nicholas Hoult)
Comme souvent, je lis la critique et ça ne me dit rien sur le film. Je vais le voir pareil parce que la critique, on finit par ne plus l'écouter.

Tom Ford, donc. Ce styliste bien connu réalise son premier film, et le monsieur donne encore dans le style, carré comme les lunettes qu'il dessine. Pas un fil ne dépasse. De la haute couture, ce film.

Je vous dis pas contre quel critique de cinéma je suis fâché, j'aurais l'air d'avoir une dent contre quelqu'un. Et puis, ce n'est pas plus lui qu'un autre. Mais voici une critique du film, A Single Man. J'en ai lu trois, elles sont toutes les trois identiques.
Mon chroniqueur, appelons-le "la critique" parce qu'on les met tous dans le même panier pour faciliter le dénigrement en règle.
Donc, ce que me disait la critique, ce ramassis de connaisseurs qui écrivent tous de la même manière : "d'une justesse infinie", "mise en scène soignée". C'est juste le début de l'horreur. Mais, je vous fais grâce du reste, vous connaissez la chanson. Ça continue en me disant que Julianne Moore aura assurément un Oscar. Cette propension à donner des trophées à tout le monde! Passons.
Au cinéma du Parc, je regardais juste le jeu de Julianne Moore, cherchant ce qui avait tant fait craquer la critique. Eh bien, ça vous gâche votre film, vous essaierez.

J'ai le papier entre les mains. Il y était écrit, néanmoins, comme pour que tout le monde redescende sur Terre, un peu pour rapprocher le film de l'auditoire aussi, que "Tom Ford réalise un portrait à hauteur d'homme". Fuck, non! Pourquoi "à hauteur d'homme"? Pourquoi écrire un tel mensonge? Failli m'étouffer. Le film est tout sauf à hauteur d'homme... Ce film, c'est de la haute couture. De la haute couture comme l'est une sacoche à mille piastres et comme les complets pour hommes singuliers signés du même Tom Ford : hors de prix. Alors, prêt-à-porter mon oeil.
Ce film-là, dans son esthétisme qui s'accroche à des lignes pures, à l'attention démesurée qu'il porte à des détails (les boutons de manchettes, les gestes millimétrés du professeur de littérature dans un département cossu, les manies aseptisées du dandy qu'il est, les couleurs monochromes recherchées). Le professeur Falconer a tout du personnage de Des Esseintes dans À rebours, de Jori-Karl Huysmans.
La critique, elle a raison sur le fond. Tout ça c'est un peu vrai que c'est beau, mais de la manière dont c'est dit, on a envie, comme le professeur Falconer, de se tirer une balle. Lire le journal, c'est chaque jour, lire les mêmes inepties.

Encore Ducharme


Ducharme, c'est comme un chien qu'on emmène au parc : il fascine la gent féminine.

- "Vous lisez Ducharme?"
- "Non..."

Ducharme, c'est Rimbaud, Nelligan et le Loch Ness en même temps. Ça rejaillit sur vous. On croit que vous êtes aventureux, poète et mystérieux alors qu'il n'y a rien de moins aventureux que de lire dans le confort d'un café.


Ces gens-là



Complément au billet précédent.


Falardeau



Alors que le corps de Pierre Falardeau est encore chaud, la pourriture refait surface. Je voulais écrire à propos de Falardeau, mais je ne le ferai pas. Pas ici. Je vais me contenter de lire La liberté n'est pas une marque de yogourt, son recueil d'articles. Son ton pamphlétaire nous renseigne sur les débats qui se sont tenus au Québec. Ce recueil, ça nous en apprend pas mal plus sur l'histoire récente du Québec que n'importe quel almanach.

La pourriture qui refait surface ce n'est pas Falardeau voyons! Enfin, un peu, mais ce sont surtout les paroles rances de ceux qui ont parlé si maladroitement de lui après sa mort. Il y avait quelque chose d'indécent là-dedans, dans ces hommages d'une fausseté rarement égalée. Il y avait quelque chose de vraiment lâche. Asteure qu'il ne peut plus se défendre, on va dire du bien de lui.

Ce bien, il n'en aurait pas voulu. Il aurait craché dessus. Ces gens-là, comme le chantait Brel jacassent et puent l'hypocrisie à plein nez. Pourquoi ont-ils une si mauvaise haleine, ces gens-là?

Ces gens qui ont dit tellement de bien de lui après sa mort, on ne leur avait rien demandé. Viennent mettre leur grain de sel pareil. Quand quelqu'un meurt, ils se sentent obligés de commenter sans arrêt. Se sentent obligés de "rendre hommage". Je ne dirai rien sur lui.

Comment donc parler des autres? Comment parler des morts, surtout?

Le langage


Comment un enfant peut-il confondre le langage au point d'entendre tout autre chose? Comment peut-il avoir une perception autre du langage?

Claude Quenneville commentait admirablement La soirée du hockey quand j'étais tout petit. "Tir... ôoo de peu", avec une intonation enthousiaste. Je pensais toujours que c'était un tir de feu.
Et je faisais des tirs de feu dans la cour.
Il y avait aussi ce jeu, de Wayne Gretzky 3D hockey dans lequel il était possible de faire des tirs de feu. Alors, le filet s'enflammait.

À force de répétition, "de peu" était toujours "de feu".

Quand on crie au feu, les enfants n'entendent pas au jeu. Mais parfois, de peu, peut devenir de feu grâce... au jeu.

Un devoir de lire



"Les livres géniaux n'intéressent personne. Hegel n'intéresse personne; il n'intéresse que ceux à qui il fait faire de l'argent, que ceux qui vivent de thèses et d'études. C'est un tour de force que d'avoir lu Hegel, Kierkegaard ou Racine. Il n'y a pas de femmes qui se déshabillent dans Hegel, dans Racine. Donc, quel intérêt? [...] Il y en a qui lisent parce que, pour eux, c'est un devoir, un de ces devoirs comme en font les enfants d'école. Ceux-là, s'ils ne lisaient pas, ils auraient peur, un de ces peurs comme en ont les enfants d'école qui n'ont pas fait leurs devoirs. On a si souvent associé la littérature avec beau, beau avec grandeur et grandeur avec devoir..."

Comme Mille Milles dans Le nez qui voque, "je n'aime plus cela, lire."

Parce que la lecture est devenue un devoir. Ça me fait penser à tous ces enseignants qui essaient de transmettre le "plaisir de lire". Cette affiche sur le mur de notre maigre bibliothèque d'école. C'était un crayon qui avait le sourire fendu jusqu'à l'efface. Et puis, il y avait les "J'aime lire". Quand un de nous ne savait que lire, il allait demander conseil au prof, debout à surveiller qu'on lise bien en silence. Je me souviens que le prof ne lisait jamais quand nous allions à la bibli. On demandait: "je sais pas quoi lire." Immanquablement, c'était : "Prends donc un j'aime lire!" avec le même sourire bête que le crayon.
Tout pointait en ce sens : l'amour de la lecture. Le problème c'est qu'on nous l'a présentée, la lecture, comme un devoir fantastique.
Et puis, la peur de ceux pour qui la lecture est un devoir, cette peur qui les tenaille les fait se sentir coupables de ne pas avoir assez lu, de ne pas avoir tout lu, c'est cette même peur que l'on nous a transmis à l'école. Je viens de m'en rendre compte.

Sentiments humains


Entendu à la radio:
"Il ne faut pas oublier qu'on a affaire à des êtres humains."

Le rappeler, c'est déjà, il me semble, l'avoir oublié.

Le Chroniqueur




Une autre diarrhée verbale qui coule sur les blogues, gracieuseté de Louis Hamelin pour qui ça devient une habitude. Sa chronique du 31 décembre regroupe plusieurs tics du seul chroniqueur littéraire du Devoir.



« Même les mauvais livres participent à l'enchantement, éclairent la route commune de leurs douloureux tâtonnements et contribuent à accoucher de cette encombrante protubérance de la raison, ennemie absolue du marketing et, pour cette raison, attaquée de partout, qu'est l'esprit critique. C'est la dernière subversion possible, celle qui demande à la littérature d'exiger, plutôt que de religieusement sacrifier aux poncifs de la bannière entoilée pour la seule gloire d'ajouter ses propres sécrétions blogogoïsantes à la globalosphère de toutes les vies, de tous les dangers et de toutes les vidanges. "

Qu'est-ce que tu veux dire, mon Louis? Pour moi, les mauvais livres ne participent aucunement à l'enchantement. Ils sont juste mauvais.

Louis Hamelin nous apprend aussi qu'il est un des derniers lettrés qui soit, un résistant. Dans toute sa folle solitude, le chroniqueur combat. Après Don Quichotte, voici le Hamelin de la Mancha qui se bat contre des pylônes électriques : "Ma maison et moi vivons ainsi, de l'espoir fou d'aider à sauver une dernière rivière sauvage du Nord, de décourager l'érection d'un pylône à la fois... "

Est-ce qu'un chroniqueur, c'est comme une éolienne ou bien ça s'essouffle? Quand il ne vente plus… il ne vente plus. Les palmes arrêtent de tourner. Peut-être. Et « l'érotisme de la lecture » dont il fait l'étalement exaspère un peu. Vieux jeu, va!

Après s'être ouvert une Heineken, notre coureur des bois de chroniqueur consacre la lecture, action suprême entre toutes : "Ensuite, rien d'autre que le bruit des mots et celui du vent."

Fais pas chier Louis. Le bruit des mots et celui du vent, vraiment?