Critiquer la critique

A Single Man, un film de Tom Ford
"Pour son premier long métrage, Tom Ford fait preuve d'une maîtrise incroyable."

À Los Angeles en 1962, le professeur Falconer (Colin Firth) pense vivre la dernière journée de son existence. Inconsolable depuis le décès soudain de son amoureux (Matthew Goode), il a l'intention de se suicider. Avant de commettre l'irréparable, il décide de rendre une dernière visite à sa meilleure amie (Julianne Moore) et de boire un coup avec un étudiant (Nicholas Hoult)
Comme souvent, je lis la critique et ça ne me dit rien sur le film. Je vais le voir pareil parce que la critique, on finit par ne plus l'écouter.

Tom Ford, donc. Ce styliste bien connu réalise son premier film, et le monsieur donne encore dans le style, carré comme les lunettes qu'il dessine. Pas un fil ne dépasse. De la haute couture, ce film.

Je vous dis pas contre quel critique de cinéma je suis fâché, j'aurais l'air d'avoir une dent contre quelqu'un. Et puis, ce n'est pas plus lui qu'un autre. Mais voici une critique du film, A Single Man. J'en ai lu trois, elles sont toutes les trois identiques.
Mon chroniqueur, appelons-le "la critique" parce qu'on les met tous dans le même panier pour faciliter le dénigrement en règle.
Donc, ce que me disait la critique, ce ramassis de connaisseurs qui écrivent tous de la même manière : "d'une justesse infinie", "mise en scène soignée". C'est juste le début de l'horreur. Mais, je vous fais grâce du reste, vous connaissez la chanson. Ça continue en me disant que Julianne Moore aura assurément un Oscar. Cette propension à donner des trophées à tout le monde! Passons.
Au cinéma du Parc, je regardais juste le jeu de Julianne Moore, cherchant ce qui avait tant fait craquer la critique. Eh bien, ça vous gâche votre film, vous essaierez.

J'ai le papier entre les mains. Il y était écrit, néanmoins, comme pour que tout le monde redescende sur Terre, un peu pour rapprocher le film de l'auditoire aussi, que "Tom Ford réalise un portrait à hauteur d'homme". Fuck, non! Pourquoi "à hauteur d'homme"? Pourquoi écrire un tel mensonge? Failli m'étouffer. Le film est tout sauf à hauteur d'homme... Ce film, c'est de la haute couture. De la haute couture comme l'est une sacoche à mille piastres et comme les complets pour hommes singuliers signés du même Tom Ford : hors de prix. Alors, prêt-à-porter mon oeil.
Ce film-là, dans son esthétisme qui s'accroche à des lignes pures, à l'attention démesurée qu'il porte à des détails (les boutons de manchettes, les gestes millimétrés du professeur de littérature dans un département cossu, les manies aseptisées du dandy qu'il est, les couleurs monochromes recherchées). Le professeur Falconer a tout du personnage de Des Esseintes dans À rebours, de Jori-Karl Huysmans.
La critique, elle a raison sur le fond. Tout ça c'est un peu vrai que c'est beau, mais de la manière dont c'est dit, on a envie, comme le professeur Falconer, de se tirer une balle. Lire le journal, c'est chaque jour, lire les mêmes inepties.

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